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La Grande Médicine des Ojibwayss

Jean-Louis MICHON.

III "Les Mysteres de La Loge-Medicine" (part 2)

Plancha du Coquillage sacré (megis)

Nous venons de parler de « transmutation» de la matière corporelle en énergie spirituelle par la vertu du coquillage sacré. Si ce mot, qui est emprunté au vocabulaire technique de l'hermétisme et de l'alchimie du Moyen Age, nous est venu tout naturellement, c'est qu'il existe chez les Ojibways des connaissances tout à fait analogues et, en particulier, une science des correspondances entre les organes corporels et les fonctions psychiques, qui est mise en œuvre dans le rite de propection des coquillages sur le corps de l'initié (ou, s'il s'agit d'un petit enfant, sur celui de son « représentant »). Les points de projection visés avec le sac-médecine sont les suivants : cœur, poumons, foie, rate, plexus solaire, articulations des quatre membres et, finalement, le front. En bombardant ces organes avec le megis, le chamane cherche à potentialiser les facultés psychiques dont ils sont le siège, c'est-à-dire toutes les facultés de sensation, d'action et d'intellectionVoici maintenant une planche sur laquelle sont réunis plusieurs dessins qui illustrent cette alchimie spirituelle dont le support quintessentiel est le megis. Le niegis étant le symbole de la Midéwiwin, le premier devoir du novice qui désire s'affilier à l'ordre des Midés est de se procurer un tel coquillage. On voit sur la figure, en 1, 2, 3 et 4, différents coquillages ayant servi dans des rites. Chez les Ojibways du Minnesota c'est le premier : la cyprée, porcelaine, ou cauri, qui est le plus souvent utilisé parce que, disent les chamanes, c'est celui qui ressemble le plus au coquillage utilisé à l'origine par Menaboju pour initier la Loutre (symbole de l'âme humaine, souple, agile, douée d'ubiquité). On se rappellera que la cyprée était aussi, chez les Anciens Grecs, symbole de naissance et que Vénus Aphrodite, née de l'écume de la mer, s'appelait Cyprine du nom de ce coquillage. .

Les dessins numérotés 5A, 5B et 6 sont trois représentations pictographiques différentes du megis. Celle du milieu est la plus courante : c'est l'ovale, c'est-à-dire une figure à la fois unitaire et bifocale parce que le megis est le prototype de l'univers, donc la synthèse de l'essence et de la substance, du ciel et de la terre. Les traits à l'intérieur de 5B sont des lignes de force qui montrent la puissance contenue dans ce noyau cosmique. Eu 6, la bipolarité fondamentale est présentée sous la forme de deux angles inversés — les deux valves de certains coquillages — qui rappellent le symbole tout à fait équivalent du « Sceau de Salomon ». Telle que l'a dessinée le chamane ojibvvay, cette figure pourrait aussi bien servir d'illustration au vieil adage d'Hermès Trismégiste, père de l'alchimie : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, mais en sens inverse. »

Le dessin 7 nous transporte dans le ciel, dans la demeure de Kitchi Manido et nous fait assister à la genèse des megis qui, nous l'avons vu, sont l'émanation du Grand Esprit. Celui-ci bat son tambour, lequel est parcouru de lignes qui sont la marque de l'influx divin. Le son primordial produit les megis qui entrent aussitôt dans la danse cosmique. Ce dessin figure à la partie supérieure d'un diagramme où sont représentées les quatre loges initiatiques, ce qui indique que la vertu des megis célestes se communique au même instant aux coquillages utilisés dans le rite qui se déroule sur terre.

En 8, le megis a été lancé dans le cœur de l'initié. Le chamane chante :

« Dans son cœur se trouve Ce que je veux enlever : Un coquillage blanc » et le dessin montre, comme sur un cliché radiographique, le megis logé dans la cavité cardiaque.

En 9, l'initié, touché par la grâce, chante :
« Mon cœur respire ;
Le megis est dans le cœur. »

Autour de l'ovale — signe pictographique qui représente simultanément le megis et le cœur — rayonnent la chaleur et la lumière mystiques, comme dans une icône du Sacré-Cœur.

En 10 et 11, c'est le corps entier du Midéwinini qui a été sanctifié par le coquillage de vie, qui est devenu un tabernacle de la Présence du Grand Esprit. Le dessin 10 illustre la phrase d'un chant qui dit : « Le Megis est sur mon corps ». Cette représentation est particulièrement intéressante en ce qu'elle évoque la distribution de l'énergie divine : la shakti, dans le tantrisme hidou. Dans le tantrisme cette énergie est représentée sous la forme du serpent Kundalini qui sommeille au pied d'un arbre. Réveillée par les pratiques du yoga, l'énergie monte le long de cet arbre, symboliquement situé le long de la colonne vertébrale, en prenant possession de divers centres subtils, les shakras ou lotus. H y a d'ailleurs entre le lotus, cette fleur montée du fond des eaux, et le coquillage sorti de la mer, une réelle parenté qui explique pourquoi ces deux objets peuvent être pris l'un et l'autre comme symboles de la nouvelle naissance et de l'épanouissement spirituel, ou encore comme symboles des foyers d'énergie subtile où, par étapes, s'opère l'éveil de l'initié.

Les paroles dont le dessin 11 est la représentation mnémonique sont les suivantes :

« L'Esprit du megis est mien ; Avec Lui je triomphe de la mort. »

C'est l'immortalité conférée par la transsubstantiation mystique.

Enfin, la dernière pictographie illustre le stade d'objectivation qui suit l'éveil spirituel de la seconde naissance : l'initié a pris conscience de la force qui est en lui ; mais, loin de s'en attribuer la paternité, il en chante l'origine surnaturelle par ces mots :

« Mes frères en religion (nikân) Elle est spirituelle (manidowân)

L'inspiration que nous recevons ;

Pour toujours nous pourrons vivre avec elle. »

Des lignes lui sortent de la bouche, du nez, des yeux, des oreilles et du sommet de la tête, indiquant la lucidité supra-normale de ses facultés de perception, de parole et de vision intellectuelle. Il tient à la main un megis de dimension énorme, signe que l'inspiration divine, dont le chant célèbre la pérennité, n'est pas enfermée dans les limites de la forme individuelle. Ce dessin fait penser à la définition du sage donnée par le Bouddha : « Il est celui qui marche avec la Loi (le dharma). »

Une remarque à propos de tous ces dessins : ce sont de simples notations mnémotechniques utilisées par les affiliés à des fins strictement personnelles, comme des notes que nous prendrions sur un carnet pour ne pas perdre une idée qui nous traverse l'esprit. Nous serions donc mal venus à en critiquer le manque de valeur artistique. Elles sont d'autant moins faites pour être vues par autrui que les idées qu'elles expriment ont un caractère strictement ésotérique et que la pictographie sacrée, dont ce sont là des exemples, se veut indéchiffrable pour les non-initiés.
Avec le megis, nous nous trouvons placés au cœur même de la Midé.

Le symbole de la Grande Médecine n'est autre en effet que ce petit coquillage blanc, brillant : le Megis, dont on dit qu'« il apparaît à la surface des eaux quand, sous l'action d'un esprit (Manido) l'eau se met à bouillonner ».
Le coquillage appartient au fonds commun du symbolisme sacré. Sorti de l'étendue informe et indéfinie de la mer, il en est comme la mystérieuse condensation. D'où l'idée de création et de naissance qui lui est associée. Cette création ne se fait pas « ex nihilo ». Elle résulte de la rencontre de deux principes : l'un conçu comme agissant et vertical (« sous l'action d'un manido») et le second comme passif En 9, l'initié, touché par la grâce, chante:

« Mon cœur respire ;
Le megis est dans le cœur. »
Autour de l'ovale — signe pictographique qui représente simultanément le megis et le cœur — rayonnent la chaleur et la lumière mystiques, comme dans une icône du Sacré-Cœur.

En 10 et 11, c'est le corps entier du Midéwinini qui a été sanctifié par le coquillage de vie, qui est devenu un tabernacle de la Présence du Grand Esprit. Le dessin 10 illustre la phrase d'un chant qui dit : « Le Megis est sur mon corps ». Cette représentation est particulièrement intéressante en ce qu'elle évoque la distribution de l'énergie divine : la shakti, dans le tantrisme hidou. Dans le tantrisme cette énergie est représentée sous la forme du serpent Kundalini qui sommeille au pied d'un arbre. Réveillée par les pratiques du yoga, l'énergie monte le long de cet arbre, symboliquement situé le long de la colonne vertébrale, en prenant possession de divers centres subtils, les shakras ou lotus. H y a d'ailleurs entre le lotus, cette fleur montée du fond des eaux, et le coquillage sorti de la mer, une réelle parenté qui explique pourquoi ces deux objets peuvent être pris l'un et l'autre comme symboles de la nouvelle naissance et de l'épanouissement spirituel, ou encore comme symboles des foyers d'énergie subtile où, par étapes, s'opère l'éveil de l'initié.

Les paroles dont le dessin 11 est la représentation mnémonique sont les suivantes:

« L'Esprit du megis est mien ; Avec Lui je triomphe de la mort. »
C'est l'immortalité conférée par la transsubstantiation mystique.

Enfin, la dernière pictographie illustre le stade d'objectivation qui suit l'éveil spirituel de la seconde naissance : l'initié a pris conscience de la force qui est en lui ; mais, loin de s'en attribuer la paternité, il en chante l'origine surnaturelle par ces mots:

« Mes frères en religion (nikân) Elle est spirituelle (manidowân)

L'inspiration que nous recevons ;

Pour toujours nous pourrons vivre avec elle. »

Des lignes lui sortent de la bouche, du nez, des yeux, des oreilles et du sommet de la tête, indiquant la lucidité supra-normale de ses facultés de perception, de parole et de vision intellectuelle. Il tient à la main un megis de dimension énorme, signe que l'inspiration divine, dont le chant célèbre la pérennité, n'est pas enfermée dans les limites de la forme individuelle. Ce dessin fait penser à la définition du sage donnée par le Bouddha : « Il est celui qui marche avec la Loi (le dharma). »

Une remarque à propos de tous ces dessins : ce sont de simples notations mnémotechniques utilisées par les affiliés à des fins strictement personnelles, comme des notes que nous prendrions sur un carnet pour ne pas perdre une idée qui nous traverse l'esprit. Nous serions donc mal venus à en critiquer le manque de valeur artistique. Elles sont d'autant moins faites pour être vues par autrui que les idées qu'elles expriment ont un caractère strictement ésotérique et que la pictographie sacrée, dont ce sont là des exemples, se veut indéchiffrable pour les non-initiés.
Avec le megis, nous nous trouvons placés au cœur même de la Midé.

Le symbole de la Grande Médecine n'est autre en effet que ce petit coquillage blanc, brillant : le Megis, dont on dit qu'« il apparaît à la surface des eaux quand, sous l'action d'un esprit (Manido) l'eau se met à bouillonner ».

Le coquillage appartient au fonds commun du symbolisme sacré. Sorti de l'étendue informe et indéfinie de la mer, il en est comme la mystérieuse condensation. D'où l'idée de création et de naissance qui lui est associée. Cette création ne se fait pas « ex nihilo ». Elle résulte de la rencontre de deux principes : l'un conçu comme agissant et vertical (« sous l'action d'un manido ») et le second comme passif qu'il connaît les moyens de défendre et de prolonger la vie et qu'il préside au Grand Rite qui mène à l'immortalité.

Ainsi Menaboju, à l'instar de Manou (le Menés des Egyptiens, le Minos des Grecs), est essentiellement un principe : l'Intelligence cosmique qui, pour guider les hommes, se manifeste sous l'aspect d'un sauveur, homme divin dépourvu de filiation charnelle. Il enseigne aux hommes les lois et les sciences sacrées, source et condition de l'harmonie entre notre monde et le Divin.

A cet égard, la Grande Médecine est pour les Ojibways exactement ce que la Loi de Manou et le Vêda sont pour les Hindous : non seulement un ensemble de règles de conduite qui lient les individus et la société mais l'expression adéquate, sur le plan humain, des principes métaphysiques qui, de toute éternité, régissent l'Univers (en sanscrit : sanâtana dharma). Celui qui suit la Loi est assuré d'agir conformément à sa propre nature et à la nature des choses ; selon une expression chère au Swâmi Ràmdas : « Il se met à l'unisson de l'Univers » (« He tunes himself up with the Unioerse »). Ou encore, selon les paroles du chamane ojibway : « Il vit le temps que le Grand Esprit lui a alloué. »

Un autre point devrait achever de nous convaincre qu'il existe entre ces deux anciennes traditions plus que ressemblances fortuites : l'emblème de la Grande Médecine, nous l'avons vu, est le megis. Or, le Vêda a aussi pour emblème un coquillage : Shankha, la conque Marine, que le Dieu Vichnou brandit dans sa main gauche et qui, selon la mythologie hindoue, a pour fonction d'abriter le Vêda, la doctrine sacrée, pendant les cataclysmes cosmiques afin d'en conserver et d'en restituer la lumière aux nouvelles générations d'hommes. N'est-ce pas là, très exactement, la fonction du megis assurant la perpétuité de la Midé à travers les vicissitudes de l'histoire des An-ish-in-aubag ?

Mais il faut maintenant nous séparer de ce coquillage merveilleux pour passer, dans le prochain numéro de cette revue, à la dernière partie de notre exposé.

Nous savons à présent qu'il existe entre le Midéwinini et le Grand Esprit un lien sacramentel, la Midé, qui permet à cet Indien de franchir la distance infinie qui le sépare du Maître de la Vie. De cette tradition initiatique nous connaissons les fondements doctrinaux : qu'est-ce que le Principe ? que sont les anges ou manidos ? Comment le Principe s'est-il manifesté sur la terre ? Nous en connaissons aussi les moyens théurgiques et avons vu comment ils sont administrés. Il nous reste cependant à en vérifier les effets d'ordre psychologique, moral et surtout spirituel sur les adeptes.
Pour cela, il nous faudra suivre avec le Midéwinini la courbe de son existence, parcourir avec lui ce qu'il appelle le « chemin de la vie ».

(à suivre)

Jean-Louis MICHON