India Mandala Cosmica

Origine polaire de la tradition védique

Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak

A brutalidade devastadora do Império Britânico não se limita às canhoneiras: eles acreditam em uma suposta superioridade intelectual em relação aos países que ocupam, na base da violência. No entanto, os ingleses sabiam, em relação à Índia, que era vital à conservação e expansão de seu império dobrar suas colonias cultural e moralmente. Encaixa-se neste projeto geopolítico de governo, com o costumeiro apoio do Serviço Secreto, a tentativa fracassada de introdução do protestantismo e mesmo seitas grotescas como o Teosofismo, criada e liderada então pela famigerada Madame Blawatsky, condenada duas vezes pelos próprios tribunais ingleses, na India e na Inglaterra.
A farsa de Krishnamurti é outro episódio pleno de ridículo levado adiante pela sucessora de Blawatsky, Annie Besant (1). A presunção dos Ocidentais modernos não têm qualquer limite e, mais que isto, não admite que um "nativo" defenda sua própria cultura , principalmente quando tal defesa é realizada segundo todas as regras da "erudição" ocidental moderna. Tilak provou "academicamente" a antiguidade do Vêda, desmontando uma série de pseudo-argumentos ingleses que buscavam diminuir e desacreditar os fundamentos da doutrina Hindu. Por isto, o Império Britânico, sem respostas à altura, encarcerou Tilak.
Apresentamos aqui dois excertos de sua obra "Origem Polar da Tradição Védica", publicada originalmente em 1903.


(1) Recomendamos a respeito "Teosofismo, a história de uma pseudo-religião" de R. Guénon

INTRODUCTION

L'ouvrage qu'on va lire a été préparé en grande partie en prison. Son auteur a dû en effet subir l'arbitraire anglais simplement pour avoir défendu la tradition culturelle de son peuple. Quinze ans plus tard, L. Frazer, dans son livre India under Curzon and after, disait en 1911: « Il est hors de doute que les passages pour lesquels M. Tilak a été emprisonné étaient réellement si innocents qu'actuellement on ne pourrait trouver un jury qui le condamnerait pour cela. »(1)

La publication de la première édition a été différée pendant plusieurs années par l'auteur lui-même, tant ses conclusions lui semblaient fantastiques. « C'est seulement quand il fut absolument sûr de ses bases qu'il donna son accord pour la publication de son livre, ceci en 1903. » (2)

Tilak met l'accent sur l'aspect "théorie" de ses déductions à partir de l'analyse serrée des textes et des recoupements opérés dans les mythes et légendes de différents peuples. C'est dans sa forme un excellent exemple d'une production traditionnelle dans le style de l'école des Pandits indiens, qui se caractérise par une remarquable mémorisation des textes, une maîtrise de la logique, laquelle atteint quelquefois la virtuosité, ce qui est tempéré par les nombreuses redites et répétitions nécessaires toutefois pour ramener le lecteur à l'essentiel. Les interprétations des passages analysés et expliqués dans cet ouvrage n'ont pas fait l'objet, depuis 75 ans, de réfutations sérieuses. Au contraire, nombre d'explications proposées ont été confirmées par les travaux ultérieurs.

Cependant les arguments géologiques et climatiques sur lesquels s'appuie Tilak ont perdu, semble-t-il, une certaine partie de leur valeur. Les théories modernes peuvent néanmoins s'accorder avec les données traditionnelles fournies par les Védas. Il faudrait aussi se reporter aux résultats de la science soviétique en ces domaines.2 bis 11 est en tout cas assuré que les régions arctiques n'ont pas toujours été aussi froides qu'à présent, et que ce changement n'est pas très ancien. Par ailleurs, de nouvelles méthodes de datation comme la dendrochronologie, sur des arbres très anciens tels que le pinus aristata, font reculer l'histoire européenne de près d'un millénaire par rapport à ce qui était communément admis. C'est ainsi que selon l'archéologue britannique Colin Renfrew, utilisant les dates corrigées par les concentrations de carbone 14 dans les anneaux de ces arbres, les constructions de Stonehenge sont bien antérieures au commencement de la civilisation mycénienne (— 1.400) et les tombeaux mégalithiques de Bretagne précèdent de quinze siècles les pyramides d'Egypte, ce qui nous amène à — 4.500, date qui appartient à la période appelée par Tilak "période d'Orion" (le soleil se trouvait alors, au moment de l'équinoxe de printemps, dans la constellation d'Orion).

Les données astronomiques concordent également avec les fameuses tables indiennes, rapportées en France par divers explorateurs et missionnaires, et qui avaient été étudiées par ]ean Sylvain Bailly (1736 — guillotiné en 1793), astronome du roi, qui en avait conclu qu'elles étaient fondées sur des observations effectuées sous le 49e degré de latitude nord. Mais J.S. Bailly pensait que "le peuple inconnu", qu'il identifiait aux Atlantes et qui était à l'origine de cette astronomie si précise, n'était pas originaire de ces latitudes, mais que l'existence de ces observations pieusement conservées ne pouvait se concevoir à une époque ancienne que pour des peuples septentrionaux qui, en descendant vers le Sud « ...entre le 60e et le 50e degré de latitude, découvrant un ciel nouveau, auraient joui tous les jours de la vue du soleil, connu le zodiaque entier, et partagé cette zone en quatre parties. »3 Les changements des conditions astronomiques ainsi observés de part et d'autre du Cercle Arctique auraient donc amené la nécessité d'une réflexion pour tender d!expliquer ces phénomènes et adapter la cosmologie en conséquence. J.S. Bailly parle également, dans le même ouvrage, de la fable de Proserpine, des fêtes d'Osiris et d'Adonis, ainsi que de la fable de Freja et de son mari, « lequel était libre de s'absenter du lit nuptial pendant 65 jours, pourvu qu'il s'acquittât de son devoir pendant les 300 autres jours. Il est impossible de n'y pas reconnaître le mariage du soleil avec la terre et la nuit de 65 jours de certains peuples du Nord. »

Bailly plaçait l'origine des migrations de "ce peuple inconnu" sur les bords du vaste estuaire de l'Obi. Pour lui, ce peuple aurait remonté peu à peu le fleuve et ses affluents vers le Sud, donc vers le soleil. Il voyait déjà dans ce peuple l'élément commun à des traditions apparemment aussi diverses que celles des Phéniciens, des Egyptiens, des Crées et d'autres peuples d'Asie (en particulier Perses et Indiens).
« ...Lorsqu'on réunit ces traditions, souvent vagues et confuses, on voit avec êtonnement qu'elles tendent toutes vers un même but, qui est de placer les origines dans le Nord. »4 Ainsi qu'on le verra, les conclusions de J.S. Bailly précèdent de près d'un siècle et demi celles de Tilak, qui d'ailleurs ne connaissait pas son œuvre. Les concordances et recoupements qui peuvent être effectués à partir des données contenues dans ce livre sur les écritures védiques, inconnues en Europe à l'époque où Bailly écrivait, sont donc du plus haut intérêt pour tous ceux qui sont à la recherche des lointaines origines des peuples dénommés aujourd'hui "indo-européens" et que Tilak dénomme, selon l'usage de son époque, "aryens".
La version originale de ce livre était parfaitement connue de René Gué-non et constituait sans doute, à en juger par sa correspondance, la principale source sur laquelle il s'appuyait pour affirmer l'origine hyperboréenne et polaire de la "Tradition primordiale". Ce fait est d'ailleurs confirmé par une réponse à un article de Paul Le Cour, animateur de la revue Atlantis, publiée dans Le Voille d'Isis d'octobre 19295: « ...Ce n'est nullement "malgré notre hindouisme" (M. Le Cour, en employant ce mot, ne croit probablement pas dire si juste) mais, au contraire, à cause de celui-ci que nous considérons l'origine des traditions comme nordique, et même plus exactement comme polaire, puisque cela est expressément affirmé dans le Véda, aussi bien que dans d'autres livres sacrés. » A cet endroit, René Guenon signalait en note le présent ouvrage de Tilak, qu'il qualifiait de "remarquable", mais « qui semble malheureusement être resté complètement inconnu en Europe, sans doute parce que son auteur était un Hindou non occidentalisé. »

Cette appréciation est en effet parfaitement juste et justifiée, puisque B.G. Tilak a joué un rôle de tout premier plan pour protéger son peuple de l'acculturation occidentale et qu'il fut le principal catalyseur de la lutte pour l'indépendance avant Gandhi. De ces deux raisons pour le passer sous silence, la première a été beaucoup plus déterminante. A la différence de Gandhi, B.G. Tilak n'allait pas chercher ses références en dehors de la tradition à laquelle il appartenait. Il était d'ailleurs reconnu comme le représentant incontesté de l'orthodoxie hindoue au sein du parti du Congrès qu'il avait contribué à transformer, du club politique favorable aux Anglais qu'il était à l'origine, en un instrument de combat contre la puissance coloniale. C'est lui qui, le premier, lança l'idée du swaraj, ainsi que de nombreuses formes d'action reprises par son successeur: boycottage du service du gouvernement, refus de payer l'impôt, jeûnes, swadeshi (achat de produits indiens), etc.; il admettait cependant la révolte armée. Principal animateur du parti du Congrès avant que Gandhi n'entre en scène, il mourut le 1" août 1920, le jour où Gandhi lança son premier Satyagraha (opération non violente) qui se solda d'ailleurs par un échec (connu sous le nom de "massacre d'Amritsar").

Nombreux, en effet, sont ceux en Europe qui considèrent Gandhi comme un authentique représentant de l'hindouisme, alors qu'en fait son retour, la quarantaine passée, à la religion de ses pères (qui étaient jaïns) était davantage motivé par les nécessités de l'action politique que par conviction ou fidélité. Il s'appuyait en effet sur des écrivains aussi divers que Tolstoï, Carlyle, Rousseau, Emerson, pour ne citer que les principaux, et il ne faut pas oublier non plus qu'il faillit se convertir au christianisme à deux reprises. Gandhi avait, contrairement à Tilak, l'appui de la grande bourgeoisie occidentalisée, et c'est ce qui fit sa fortune politique. Par l'image du moine errant ( sadhou ) ou du renonçant, qu'il s'était donnée, Gandhi se plaçait de fait en dehors des voies du pouvoir, comme d'ailleurs en dehors de la société indienne. Le titre honorifique qui était le sien, "Mahatma", était purement spirituel et n'impliquait rien de temporel. Par contre, la conscience populaire avait décerné à Tilak deux titres de souveraineté: "Lokamanya", c'est-à-dire "honoré par le monde entier", et "Maharaj", "grand roi"; le premier mettant l'accent plus sur sa renommée religieuse et culturelle, le second sur sa renomée politique. C'est qu'en effet B.G. Tilak est une incarnation de l'idéal aryen de souveraineté en ce qu'il réalisa en lui-même et dans sa vie une synthèse du brahmane et du kshatriya, ou en termes plus proches de nous, du prêtre et du guerrier. En tant que brahmane, il disait: « Le swaraj est mon droit de naissance »; en tant que kshatriya, il ajoutait: « et je l'obtiendrai. » Le swaraj avait pour lui une résonance bien plus profonde que son acception d'"indépendance" dans le langage politique d'aujourd'hui. « Qu'est-ce donc, le swaraj? — C'est une vie centrée sur le Soi et dépendante du Soi. Il y a un swaraj dans ce monde-ci comme il y en a dans l'autre. » Tilak s'inspirait invariablement de /'Advaïta Védanta (non-dualisme), complété par la Bhagavad Gîta avec son type héroïque de l'acteur sans égo, réalisant cet équilibre, qui manque tant à notre époque, entre la contemplation et l'action. Il pensait que Vunification de l'Inde, et notamment le rapprochement des Hindous et des Musulmans, pouvait se faire sur la base philosophique de /'Advaïta.

Tout cela confirmera, nous l'espérons, à l'esprit du lecteur l'authenticité des connaissances traditionnelles que contient cet ouvrage, exhumées et remises en forme par un représentant d'une tradition ininterrompue depuis plus de 4.000 ans et qui, nous semble-t-ïl, sont aussi importantes pour l'Hindou suivant sa religion que pour l'Européen qui renoue avec sa véritable identité spirituelle.Mahratta en langue anglaise.

Notes:

1. Tilak écrivait dans les journaus qu’kil avait fundés : le Kesari en labgue marathi et le Mahratta en langue anglaise.

2 Ram Gopal. Lokamanya Tilak, a Biography, p. 231.
2 bis Le mammouth n'a disparu qu'avec la dernière glaciation (— 15.000 à — 9.500).

3 Histoire de l'astronomie ancienne depuis son origine jusqu'à l'établissement de l'Ecole d'Alexandrie par M. Bailly. 1775.

4 Lettres sur l'Atlantide de Platon et sur l'ancienne histoire de l'Asie pour servir de suite aux lettres sur l'origine des sciences, adressées à M. de Voltaire par M. Bailly. Londres - Paris. 1779. p. 468.

5 Republié dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques. Gallimard. 1970.

PRÉFACE

Le présent ouvrage est la suite de mon livre Orion ou Recherches sur l'antiquité des Védas, publié en 1893. L'estimation de l'antiquité des Védas généralement admise parmi les spécialistes des études védiques était fondée sur une évaluation arbitraire du temps qui se serait écoulé entre les différentes strates qui composent la littérature védique; et l'on croyait que la plus ancienne de ces strates ne pouvait pas, au mieux, être antérieure à 2.400 avant notre ère. Dans Orion, j'ai essayé de montrer que ces estimations étaient non seulement trop modestes, mais vagues et incertaines, et que les renseignements d'ordre astronomique trouvés dans la littérature védique pouvaient nous fournir des informations beaucoup plus sûres pour déterminer correctement les époques des différentes périodes de la littérature védique. Ces informations astronomiques m'amenèrent à conclure sans risque d'erreur que l'équinoxe de printemps avait lieu dans la constellation de Mriga ou Orion, donc à peu près en — 4.500, pendant la période des hymnes védiques, et qu'il s'était déplacé vers la constellation des Krittikas ou Pléiades, environ en — 2.500, à l'époque des Brâhmanas. Evidemment, ces conclusions furent d'abord accueillies par les savants avec un certain scepticisme. Mais ma position fut renforcée lorsque le Dr Jacobi, de Bonn, arriva aux mêmes conclusions d'une manière tout à fait indépendante et que, peu après, des savants comme le Prof. Bloomfield, M. Barth, le Dr Bulher et d'autres, plus ou moins spontanément, reconnurent la force de mes arguments. Le Dr Thibaut, le Dr Whitney et quelques autres étaient cependant d'avis que l'évidence que j'avais mise à jour n'était pas déterminante. Mon ami, S.B. Bivit, découvrit un passage du Shatapatha Brâhmana où il était établi que les Krittikas ne s'écartaient jamais, à cette époque, du plein Est, c'est-à-dire de l'équinoxe de printemps; cette découverte permit de lever les derniers doutes sur l'âge des Brâhmanas; dans un récent numéro de la revue de la Royal Asiatic Society de Bombay, un autre astronome indien, V.B. Ketkar a analysé en détail par les mathématiques le Taittirîya Brâhmana (III, 1, 1, 5): Brihaspati, ou planète Jupiter, fut découverte lorsqu'elle produisit l'éclipsé partielle de l'étoile Tishya; il montra aussi que l'observation n'était possible que vers 4.650 avant notre ère, confirmant par là remarquablement mon estimation de la plus ancienne période de la littérature védique. Après cela, il semble bien que la haute antiquité de la plus ancienne période de la littérature védique soit maintenant parfaitement établie.

Mais si la plus ancienne période védique était ainsi reportée à 4.500 avant notre ère, on pouvait encore se demander si l'on avait atteint la véritable date de l'Ultima Thulé de l'antiquité aryenne. Car, comme l'a établi le Prof. Bloomfield en citant mon livre Orion dans son discours à l'occasion du dix-huitième anniversaire de l'Université John Hopkin, « la langue et la littérature des Védas ne sont en aucun cas si primitives qu'il faille les situer au début de la culture aryenne. » « Cette époque, selon toute probabilité et avec toute la prudence nécessaire, remonte à plusieurs millénaires auparavant, » et c'est -pourquoi, dit-il, « il est inutile de souligner que ce rideau, qui semblait fermer notre horizon à 4.500 avant notre ère, pourrait finalement s'avérer n'être qu'un voile ténu. » J'étais moi-même de cet avis, et je consacrais une grande partie de mon temps libre, durant ces dix dernières années, à la recherche de la preuve qui lèverait ce rideau et nous révélerait la longue perspective de l'antiquité aryenne primitive. Le lecteur désireux d'avoir de plus amples détails sur le cheminement que j'ai suivi pour arriver à la conclusion que les ancêtres des Rishis védiques avaient vécu dans la zone arctique à une époque interglaciaire peuvent se reporter à mon ouvrage Orion. Je profite néanmoins de cette occasion pour exprimer ma reconnaissance au Prof. Max Muller qui m'a témoigné sa généreuse sympathie à des moments critiques de ma vie et dont la mort récente a été ressentie comme un deuil personnel par ses nombreux admirateurs dans toute l'Inde. Ce n'est pas ici l'endroit où nous pouvons discuter des mérites de la politique adoptée par le gouvernement de Bombay en 1897. Disons seulement que, pour apaiser les passions causées par sa politique de misère, le gouvernement de l'époque jugea prudent de poursuivre certains journaux vernaculaires dans la province, et en particulier le Kesari qui était publié par moi-même, pour des écrits considérés comme séditieux, ce qui me valut dix-huit mois d'emprisonnement. Mais en Inde, les prisonniers politiques ne sont pas mieux considérés que les forçats, et n'étaient la sympathie et l'intérêt pris par le Prof. Max Muller, qui me connaissait seulement comme l'auteur à'Orion, ainsi que d'autres amis, j'aurais été privé du plaisir — alors seul plaisir — de poursuivre mes études pendant ces sombres jours. Le Prof. Max Muller eut l'amabilité de me faire parvenir un exemplaire de sa seconde édition du Rig-Véda, dont le gouvernement fut heureux de m'accorder l'usage avec quelques autres livres, ainsi que la chandelle qui me permettait de lire quelques heures la nuit. Certains passages du Rig-Véda cités dans les pages suivantes pour corroborer la théorie arctique furent rassemblés pendant les loisirs que je pus avoir à cette époque. Ce fut grâce aux efforts du Prof. Max Muller, soutenu par toute la presse indienne, que je fus relâché après douze mois de détention; et dans la première lettre que j'écrivis au Prof. Max Muller après ma libération, je le remerciai sincèrement pour toute la gentillesse désintéressée qu'il avait manifestée à mon égard et lui donnai un bref résumé de ma théorie concernant l'origine des Aryens selon l'évidence védique. On ne pouvait naturellement pas attendre d'un savant, qui avait étudié toute sa vie sur un plan différent, qu'il accepterait immédiatement le nouveau point de vue en lisant simplement quelques lignes défendant cette thèse. Mais il était encourageant de l'entendre dire que, bien que les interprétations des passages védiques que je proposais fussent problables, ma théorie semblait néanmoins en conflit avec les faits géologiques établis. Je répondis que j'avais déjà examiné la question de ce point de vue, et espérais pouvoir bientôt lui exposer les preuves de ma thèse. Malreureusement je fus privé de ce plaisir par sa mort qui survint peu après.

Le premier manuscrit du livre fut écrit à la fin de l'année 1898, et depuis lors j'ai eu l'avantage de discuter de la question avec de nombreux savants à Madras, Calcutta, Lahore, Bénarès, etc. pendant mes voyages à travers l'Inde. Mais j'hésitais pendant longtemps à publier l'ouvrage — ce retard est partiellement dû à d'autres raisons —, parce que les directions de recherche avaient divergé en mettant à contribution de nombreuses sciences, telles que la géologie, l'archéologie, la mythologie comparée, etc. Mais comme j'étais ignorant en ces matières, j'eus quelque doute quant à l'interprétation correcte des dernières acquisitions de ces sciences. Cette difficulté est bien décrite par le Prof. Max Muller dans son ouvrage Prehistoric Antiquities of Indo-Europeans, publié dans le volume de ses derniers essais. Il remarquait que « la diversification croissante de presque toutes les branches du savoir humain rend le spécialiste, qu'il le veuille ou non, de plus en plus dépendant du jugement et de l'aide de ses collaborateurs. De nos jours, un géologue est souvent confronté à des problèmes qui concernent le minéralogiste, le chimiste, l'archéologue, le philologue, voire l'astronome, plutôt que le géologue pur et simple, et, comme la vie est trop courte pour tout cela, il ne lui reste rien d'autre à faire que d'avoir recours à ses collègues. L'un des grands avantages de la vie universitaire est que, lorsque l'on se trouve en difficulté à propos d'une question qui sort de son propre domaine, on peut recueillir immédiatement les meilleurs renseignements de ses collègues, et bien des théories les plus heureuses et des solutions les plus brillantes à des problèmes compliqués sont dues, comme chacun sait, à ces échanges libres qui ont lieu dans nos milieux académiques. » Et il ajoute: « Tant qu'un étudiant ne peut faire appel à l'aide d'autorités reconnues sur tous ces sujets, il n'est apte qu'à faire de brillantes découvertes qui exploseront au premier examen du spécialiste et ne peut que passer à côté des faits pertinents. On ne se rend en général pas compte du bénéfice que l'on tire de l'échange des idées, en particulier dans nos universités, où tout le monde peut tirer profit des conseils et de l'aide des collègues, soit que ceux-ci vous mettent en garde contre des théories impossibles, soit qu'ils attirent votre attention sur un livre ou un article où le point qui vous intéresse a été entièrement et définitivement traité. » Mais hélas! il ne nous est pas donné de vivre dans une telle ambiance, et les petits émerveillements des étudiants indiens ne passeront pas la barre des examens. Il n'y a pas une seule institution en Inde, et il n'y en aura pas avant longtemps, malgré la Commission des Universités, où l'on puisse obtenir des renseignements à jour sur n'importe quel sujet, comme c'est le cas en Occident; et il n'y a pas d'autre possibilité pour quelqu'un qui étudie à fond une question que, comme le dit le Prof. Max Muller, de « sortir audacieusement de son propre domaine et de se faire une idée à soi des chasses gardées de ses voisins », même au risque d'être appelé « un intrus, un ignorant, un vulgaire dilettante », car, « quels que soient les incidents auxquels on s'exposera, l'étude elle-même ne pourra qu'en bénéficier. » C'est pourquoi, malgré ces inconvénients, je fus heureux lorsque, en feuilletant le premier volume de la dixième édition de l’Encyclopaedia Britannica que je venais de recevoir, je trouvai que le Prof. Geikie, dans son article sur la géologie, adoptait le même point de vue que le Dr Croll, point de vue qui sera résumé à la fin du deuxième chapitre de ce livre. Après avoir constaté que la doctrine de Croll n'avait aucun succès parmi les physiciens et les astronomes, l'éminent géologue dit que plus récemment, en 1895, elle a été examinée d'un point de vue critique par E.P. Culverwell, qui la considère comme « une vague spéculation drapée d'un semblant de précision numérique illusoire, mais n'ayant aucun fondement physique, et formée de parties hétéroclites. » Si l'on dispose des calculs du Dr Croll de cette manière, rien ne nous empêche d'adopter le point de vue des géologues américains, selon lesquels le début de la période post-glaciaire ne remonterait pas à une date antérieure à — 8.000.

Il a déjà été établi que les débuts de la civilisation aryenne doivent dater de plusieurs millénaires avant la plus ancienne période védique; et si les débuts de la période post-glaciaire sont ramenés à — 8.000, il n'est pas du tout surprenant que les débuts de la culture aryenne remontent à cette époque, puisque de ce livre. Il y a de nombreux passages dans le Rig-Véda qui, bien qu'ils aient été considérés comme obscurs et inintelligibles, maintenant qu'ils sont interprétés à la lumière de recherches scientifiques récentes, révèlent clairement les attributs polaires des divinités védiques ou les traces d'un ancien calendrier arctique; l'Avesta nous dit expressément que le pays heureux de l'Airyana Vaêjo, ou paradis aryen, était situé dans une région où le soleil ne brillait qu'une fois par an, et que ce pays fut détruit par l'invasion de neige et de glace, qui rendit son climat rude et nécessita une migration vers le Sud. Ce sont des faits évidents, et si nous les confrontons avec ce que nous savons des époques glaciaire et post-glaciaire d'après les récentes recherches géologiques, nous ne pouvons nous empêcher de conclure que l'origine géographique des Aryens était à la fois arctique et interglaciaire. Je me suis souvent demandé pourquoi ces simples et claires évidences n'avaient jamais frappé aucun esprit; et je tiens à préciser au lecteur que ce n'est que lorsque je fus convaincu que la découverte était due uniquement aux récents progrès de la connaissance concernant l'histoire primitive de la race humaine et de sa planète que je m'aventurai à publier le présent ouvrage. Des érudits du Zend ont passé très près de la réalité, simplement parce que, il y a quarante ou cinquante ans, ils ne pouvaient pas comprendre comment une contrée agréable à habiter pouvait se situer à la limite des glaces, près du Pôle Nord. Les progrès de la géologie pendant la seconde moitié du siècle dernier ont maintenant résolu la difficulté en montrant que le climat polaire durant la période interglaciaire était doux, et donc nullement défavorable à la vie humaine. Il n'y a là cependant rien d'extraordinaire si nous pouvons découvrir la signification réelle de ces passages des Védas et de l'Avesta. Il est vrai que si la théorie de l'origine arctique et interglaciaire des Aryens est prouvée, maint chapitre de l'exégèse védique, de la mythologie comparée ou de l'histoire des Aryens primitifs devront être révisés ou réécris, et dans le dernier chapitre de ce livre j'ai moi-même traité un point important qui devra être affecté par la nouvelle théorie. Mais, comme je l'ai fait remarquer à la fin de mon livre, de telles considérations, si utiles qu'elles puissent être pour nous inciter à la prudence dans nos recherches, ne devraient pas nous faire hésiter à accepter les résultats d'une enquête menée en toute rigueur. Il est très dur, je sais bien, de renoncer à des théories sur lesquelles on a travaillé toute sa vie. Mais comme l'a si bien remarqué Andrew Lang, il ne faut jamais oublier que « nos petits systèmes ont leurs heures de gloire, ou leurs jours de gloire: à mesure que la connaissance progresse, ils passent dans le musée de l'histoire. » D'ailleurs la théorie de l'origine arctique n'est pas si nouvelle ni si étonnante qu'elle semble l'être à première vue. Plusieurs hommes de science ont déjà exprimé l'opinion qu'il faille chercher l'origine géographique de l'homme dans les régions arctiques; et le Dr Warren, Président de l'Université de Boston, m'a précédé dans une certaine mesure avec son ouvrage bien documenté, intitulé Paradise Found or the Cradle of the Human Race at the North Pôle, dont la dixième édition a été publiée en Amérique en 1893. Même sur des bases tout à fait philologiques, la théorie de l'origine des Aryens en Asie centrale est à présent presque complètement abandonnée en faveur de l'Europe du Nord; le Prof. Rhys, dans ses conférences sur le paradis celtique, est conduit à suggérer « certains points à l'intérieur du cercle arctique » à partir de considérations purement mythologiques. Je ne fais qu'un pas de plus en montrant que la théorie, dans la mesure où l'origine géographique des Aryens est concernée, est entièrement attestée par les traditions védique et avestique, et, ce qui est encore plus important, les dernières recherches géologiques non seulement corroborent la description avestique de la destruction du paradis aryen, mais nous permettent de placer son existence à une époque antérieure à la dernière glaciation. Les preuves sur lesquelles je m'appuie sont longuement développées dans les pages qui suivent; et bien que la question soit ainsi posée pour la première fois dans le domaine des études védiques et avestiques, je suis convaincu que mes lecteurs ne me condamneront pas d'avance, mais qu'ils fonderont leur jugement, non sur tel passage ou tel argument, car pris séparément ceux-ci peuvent parfois ne pas être concluants, mais sur l'ensemble des preuves rassemblées dans ce livre, quelle que soit la portée d'une telle théorie.

Pour conclure, je désire exprimer mes remerciements à mon ami et maître, le Prof. S.G. Jinsivale, qui a attentivement revu le manuscrit, sauf le dernier chapitre qui a été rédigé ultérieurement, il a vérifié toutes les références, relevé certaines inexactitudes et fait quelques suggestions intéressantes. Je dois aussi remercier le Dr Ramkrishna Gopal Bhândârkar et le Khan Bahadur Dr Dastur Hoshang Jamâspji, Grand Prêtre des Parsis du Deccan, pour l'aide qu'ils m'ont apportée chaque fois que j'ai eu l'occasion de les consulter. Il aurait été impossible de commenter d'une façon aussi exhaustive les passages de l'Avesta sans l'aide bienveillante du savant Grand Prêtre et de son obligé Dastur Kaikobad. Je suis aussi reconnaissant au Prof. M. Rangacharya de Madras pour quelques suggestions qu'il me fit lors de discussions sur le sujet, ainsi qu'à M. Shrinivas Iyengar de la Haute Cour de Justice de Madras, pour une traduction du Lignana, à G.R. Gogte pour la préparation du manuscrit en vue de l'impression, et à mon ami K.G. Oka qui m'a aidé dans la relecture des épreuves et sans lequel de nombreuses erreurs auraient échappé à mon attention.

Mes remerciements s'adressent également aux Directeurs de l'Anadashram et du Fergusson College pour le libre accès qu'ils m'ont réservée à leurs bibliothèques, ainsi qu'au Directeur de PArya-Bhushana Press pour le soin qu'il a apporté à l'impression de cet ouvrage. Il est inutile d'ajouter que je suis seul responsable des opinions exprimées dans ce livre. Lorsque je publiai Orion, je n'imaginais pas que je puisse un jour poursuivre mes recherches sur l'antiquité des Védas; mais il a plu à la providence de me donner les forces nécessaires à ce travail, malgré les ennuis et les difficultés, et en hommage à celle-ci, je termine par la formule consacrée:

OM TAT SAT BRAHMÁ PARNAMASTU*

* N.d.T.: « OM, Tout ceci est dédié au créateur. »

Tilak AUM
Tilak PB